C’est à partir d’un fait divers dont il parle dans l’Étranger qu’Albert Camus tire Le Malentendu. C’est pour cette raison que j’ai souhaité travailler avec les acteurs sur une sorte de banalité quotidienne que nous avons reconstitué pour le décor : une salle d’auberge avec ses tables, ses quelques objets du quotidien, ses musiques en forme de rengaines mélancoliques.
Un lieu sans personnalité qui semble suspendu dans le temps comme ces cafés de province. Seule une gravure au mur ouvre un espace au « rêve ». Le premier acte expose la situation : les éléments d’un malentendu.
Au deuxième acte les personnages basculent dans l’acte criminel et transforment le fait divers en tragédie. C’est dans ce sens que j’ai choisi une chambre étroite qui fait référence à la tragédie antique qui était joué en ligne sur un espace sans profondeur, comme on le voit dans les théâtres antiques.
Le jeu très « réaliste » de la première partie se transforme petit à petit en une exaltation tragique.
C’est ce basculement dans une sorte de rêve enfantin pour Martha, dans de la mélancolie de l’enfance pour Jan, que je souhaite exprimer avec le mur du décor qui bascule sur un fond d’étoiles. La réalité du premier acte se transforme en un lieu irréel, le lieu des rêves et du sacrifice.
Par la suite, l’espace ayant basculé dans l’absence d’humanité, il devient une sorte de ruine, une allégorie de ce que trouve Maria en revenant : un vide, un manque de vie, une tombe ou un espace d’absence de raison.
Cela permet de poursuivre un cheminement où l’absence de parole, où l’absence de nom, conduit dans un espace mental absurde et des situations tragiques.
Pièce sombre et tragique, le Malentendu est aussi une pièce sur les rêves : rêves de soleil pour Martha, rêve de reconnaissance pour Jan, rêve de repos pour la mère. L’empêchement c’est l’absence de parole qui génère des malentendus.
Ne pas se nommer, ne pas dire qui l’on est, ne pas communiquer avec les autres, sèment la discorde et le drame : c’est en cela que le Malentendu est une fable solaire qui fait partie de l’œuvre « absurde » d’Albert Camus mais qui préfigure le troisième chapitre de son projet littéraire et philosophique : l’amour de l’humain.
Olivier Desbordes.
Francine Bergé a reçu le prix d'honneur du jury des palmarès du théâtre 2013
Distribution
- Metteur en scène : Olivier Desbordes
- Martha : Farida Rahouadj
- La Mère : Francine Bergé
- Maria : Pauline Moulène
- Jan : Eric Perez
- Le Vieux Domestique / Piano / Propositions et recherches musicales : Manuel Peskine
- Assitante à la mise en scène : Sandrine Montcoudiol
- Décor, lumières : Patrice Gouron
- Costumes : Jean-Michel Angays
Création et production Festival de Théâtre de Figeac 2013.
Remerciements à Catherine Camus et aux éditions Gallimard.