Jusque dans les années 40, la moitié de la France parlait une autre langue que le français.
Lorsqu'un enfant parlait en patois provençal, son institutrice lui posait une brique sur la tête, quand ce n’était pas le martinet. C’est cette histoire linguicide que nous raconte avec émotion, beaucoup d’humour et une énergie folle Benjamin Tholozan lui-même, interprétant son propre rôle comme celui de son papé ou de son oncle. Accompagné par la musique de Brice Ormain, dont les accords nous entraînent volontiers au bord de la méditerranée, le comédien nous propulse dans le passé, jusqu’aux origines du français. Entre biographie et autofiction, cette œuvre est également celle de toutes celles et ceux qui aujourd’hui, comme Benjamin Tholozan, parlent pointu, autrement dit, qui parlent la langue « sans accent », celle des médias, de la télévision, des politiques, celle du théâtre aussi.
Parler pointu raconte l’abandon progressif des parlers régionaux et des accents, et ce que cette perte revêt d’à la fois intime et politique.
Note d'intention
Le concept
J’ai grandi dans un village du midi, berceau d’Alphonse Daudet. Une terre provençale, latine, violente, truculente. Une terre de corrida. Trivial et sacré s’y mêlent en permanence. Toute ma famille y vit encore, et ils parlent tous comme des personnages de Pagnol. Sauf moi. Impossible de déceler la moindre intonation méridionale dans mon phrasé, le moindre mot hérité du patois roman de mes ancêtres.
J’ai changé d’accent.
Je parle pointu.
« Parler pointu » est une expression que les locuteurs du sud utilisent pour désigner l’accent de tous ceux qui vivent au-dessus du Valence, jusqu’à Lille. Les « gens du Nord » : ils ne font pas la distinction.
Parler pointu est un hommage à mes racines, à une culture dans laquelle je n’ai pas réussi à m’inscrire et que j’ai souvent l’impression de renier, moi qui ai modifié ma façon d’être et de m’exprimer pour faire du théâtre.
L'histoire
Pour l’enterrement de mon grand-père, il y a un an, on m’a demandé d’écrire une oraison. J’ai lu un poème en occitan, en m’excusant de ne plus avoir l’accent de ma région d’origine. Je me suis adressé directement à lui en lui disant que même si je parlais désormais différemment, ma culture était toujours présente en moi.
Les gens m’ont regardé avec des yeux ronds. Personne ne comprenais ce que je disais, mettant en cause mon accent « parisien ». Je parle vite, je prononce moins les syllabes. Ils n’ont rien entendu. Ou rien voulu entendre ?
J’ai pris conscience de l’éloignement qu’avait créé entre eux et moi des années de cours d’art dramatique de la capitale où l’on apprend à parler un français normatif, académique, « distingué »…
Malgré moi, je porte des siècles de centralisation, d’hégémonie culturelle et linguistique. Je parle la langue du pouvoir, des médias, de la télévision, de la politique. La langue du théâtre.
Le théâtre qui revendique se jouer de la norme, en contribuant à la diffuser. Un paradoxe.
J’ai eu envie d’écrire et de jouer un spectacle dans lequel je ressusciterais mon grand-père et, avec lui, la façon de parler de mes ancêtres.
Un Voyage qui passerait par la Rome Antique, les troubadours de langue d’oc, la cour des rois de France, les premiers membres de l’Académie Française, le club des jacobins…
Une sorte de conte initiatique en forme d’introspection, une conférence illustrée sur la glottophobie, la violence symbolique, sur l’homogénéisation, la perte d’identité.
Sur la parole, le jeu d’acteur et le mensonge.
Distribution
- Écriture et jeu : Benjamin Tholozan
- Écriture et mise en scène : Hélène François
- Scénographie : Aurélie Lemaignen
- Création musicale et musique : Brice Ormain
- Création lumière : Claire Gondrexon
- Regard extérieur : Johanny Bert
- Régie générale : Thibault Marfisi
Presse
Flamboyant conteur, c’est avec humour que l’artiste remonte le fil de son accent disparu, retrace l’origine de la langue française.
Télérama
Benjamin Tholozan, à travers Parler Pointu, sa propre histoire, dénonce le silence imposé aux parlers régionaux, notamment l’occitan. C’est très sérieux et très drôle à la fois.
L’Humanité
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Production Studio 21
Coproduction Théâtre Sorano, Toulouse
Avec le soutien du Théâtre de la Tempête • Le Carré, SN Sénart • CENTQUATRE-PARIS • Carreau du Temple • Théâtre 13, Paris • Festival FRAGMENT(S) #10 - La Loge
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