Les ÉtrangersClément Bondu / Cie Année Zéro

 

On suit la quête de Paul, écrivain raté, sur les traces d’Ismaël, ami poète mystérieusement disparu. De lieux en lieux, ce voyage initiatique trace le portrait d’une jeunesse en question sur sa place au monde. Paul retrouve Marianne, son amour de jeunesse, ainsi qu’Aurore et Ida. Amis, amours dispersées nous livrent souvenirs et témoignages, jonglant entre fiction et réalité. Épris de mélancolie, appelés par la joie, tous se cherchent. Mais quel chemin doivent prendre nos vies ? Touchant et si humain partage avec ces personnages dont les obsessions persistent quand tout le reste leur échappe. Naviguant entre cinéma et littérature, cette pièce polyphonique flamboyante donne pouvoir à la langue et à l’imaginaire.

Entretien avec Clément Bondu

Les Étrangers est l’adaptation au théâtre de votre roman éponyme. Comment avez-vous procédé pour transposer sur scène la multitude d’espaces et de temps qui s’y succèdent ?

L’idée était de tracer un trajet à l’intérieur même du roman, laissant de côté de nombreux pans de l’histoire pour construire une dramaturgie spécifique, en utilisant des procédés cinématographiques, notamment dans les ellipses. Un écran avec un système de surtitrage permet de situer le temps et le lieu de chaque chapitre, mettant ainsi en scène le passage des années, la multiplicité des pays et des villes traversés dans le livre. De fait, la scénographie a été pensée comme une page blanche sur laquelle l’imagination peut se projeter, travailler dans les creux, les manques. Une fabrique de fantômes et de souvenirs. D’après moi, lire « Paris, 2012 » ou « Naples, 2016 » est beaucoup plus évocateur et porteur de sens que d’essayer de reproduire une série d’espaces qui paraîtront d’autant plus factices qu’ils échoueront toujours à atteindre la rêverie particulière à chacun, à chacune. Pour autant, nous n’avons pas refusé de jouer avec quelques éléments de faux-réalisme dans le décor. [...] L’important pour moi était davantage de retranscrire la « sensation intérieure » du roman que de représenter les lieux du récit.

Votre spectacle est résolument littéraire dans la mesure où il conserve la structure du livre, de ses chapitres et ses différentes parties. Par quels moyens les comédiens se sont-ils appropriés ce texte, caractérisé par une diversité des points de vue du narrateur ?

Le travail a été long et passionnant. Ce que je cherche avec les acteurs et les actrices a à voir avec la fragilité, avec l’intime et l’inconscient. Il s’agissait donc de chercher le point de rencontre entre chaque interprète (sa voix, ses gestes, son cœur) et le rythme propre à l’écriture qui, en plus de ça, change beaucoup selon les différentes parties du livre. Dans la première partie, L’Inquiétude, la pensée se déploie à travers des phrases amples, complexes, faites de beaucoup de digressions, de parenthèses, de retours en arrière, reproduisant l’état intérieur du personnage de Paul. Il s’agissait donc pour les interprètes de trouver un état de langue commun. Une sorte de plongée hypnotique confinant, dans sa manière de retranscrire le réel, à une forme d’hyper-sensibilité maniaque. [extrait]

Propos recueillis par Aurélien Péroumal, février 2022

 

 

Extrait Les Étrangers

« Cet été-là, Paul commença à imaginer un roman, un récit qui aurait pour centre Ismaël et retracerait les quelques semaines qu’il avait passées là-bas, dans la maison. Ça n’était rien de clair, plutôt une sensation diffuse, un pressentiment. Paul dans son esprit appela très vite ce récit, ce roman (qui pour l’instant n’était pas même une seule ligne sur une seule feuille blanche) L’inquiétude, un mot qui représentait alors pour lui, sans bien savoir pourquoi, une sorte de paysage à la fin de l’été dans le Sud de la France, un tableau de collines, de champs de maïs et de tournesols, parfois même de mer et de vent, sur lequel la silhouette d’Ismaël, nettement, se détachait. Alors, cet été-là, peu à peu (et de plus en plus chaque jour) Ismaël se transforma pour Paul en quelque chose de semblable à un personnage de roman, une sorte de héros, comme on en trouve aujourd’hui davantage dans les salles de cinéma que dans les romans. Son nom même, le nom d’Ismaël, semblait à Paul parfois presque inventé par lui, comme s’il ne s’agissait pas là du nom de son vieil ami perdu de vue avec les années (et maintenant, pour ainsi dire, perdu et disparu pour de bon, comme Paul l’avait appris quelques semaines plus tôt) mais bien de quelqu’un d’autre, ou encore, non pas quelqu’un, mais, oui, une présence, quelque chose de vague et de mystérieux, flottant, là, près de lui, auréolé d’un léger nimbe de légende et de gloire. Mais peut-être était-ce simplement la sensation du temps passé et des souvenirs qu’on garde avec soi. Oui, peut-être qu’en grandissant (vieillissant, même, comme Paul devait apprendre à le dire désormais), tous les événements passés, les lieux et les êtres de nos propres vies prenaient-ils peu à peu la forme et la consistance des mythes, aussi sacrés, aussi infinis et impénétrables pour nous à présent que le sont ceux des Grecs, des Aztèques, des Abyssiniens. » — Première partie, L’Inquiétude

 

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Production Année Zéro
Coproduction Collectif En jeux (Occitanie), Théâtre Sorano (Toulouse), L’Estive - scène nationale de Foix et d’Ariège, Le Parvis - scène nationale Tarbes Pyrénées, Les Célestins - théâtre de Lyon, le TMS - Sète scène nationale archipel de Thau, ScénOgraph SCIN St Céré, L’Astrada - scène conventionnée art et territoire Marciac, l’Institut Français de Fès (Maroc).  Avec l’aide à la création de la DRAC-Occitanie, le soutien de la région Occitanie et du département du Gers, le ThéâtredelaCité - CDN Toulouse Occitanie pour la construction du décor dans ses ateliers, La Chartreuse - Centre national des écritures du spectacle (Villeneuve-lez-Avignon), le Théâtre de la Cité internationale (Paris), le centre culturel les Étoiles de la Médina de Fès et la Fondation Ali Zaoua. Avec la participation artistique de: l’ENSATT, du Jeune Théâtre National, de l’ESAD. Avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région Sud. Ce spectacle reçoit le soutien d’Occitanie en scène dans le cadre de son accompagnement au Collectif En Jeux.

Distribution
  • Texte et mise en scène : Clément Bondu
  • Traduction du texte en arabe : Nassedine Chakir
  • Avec : Mona Chaïbi, Vanessa Fonte, Lisa Kramarz, Antonin Meyer-Esquerré et Mathieu Perotto
  • Assistante à la mise en scène : Sarah Delaby-Rochette
  • Scénographie : Charles Chauvet
  • Musique originale : Jean-Baptiste Cognet
  • Création lumière, régie lumière & générale : Nicolas Galland
  • Assistante création lumière : Amandine Robert
  • Régie son & vidéo : Mathieu Plantevin

D'après Les Étrangers de Clément Bondu (publié aux éditions Allia)
Crédit photo Dylan Piaser

Représentations

Théâtre de l'Usine, Saint-Céré
  • vendredi 16 décembre 2022 20h30
Informations

Durée 2h / À partir de 15 ans

Tarifs

Tarif B Placement libre
Plein 16 €
Découverte / Réduit 14 €
Passion / Réduit + 11 €
Jeune 5 €

Tarif découverte / réduit : abonnés découverte, groupe à partir de 10 personnes, comités d'entreprises.
Tarif passion / réduit + : abonnés passion, demandeurs d'emploi, intermittents du spectacle, personnes en situation de handicap.
Tarif Jeunes : moins de 18 ans et étudiants de moins de 25 ans.

Abonnement Découverte : abonnement nominatif 4 spectacles minimum. Cet abonnement vous donne droit au tarif découverte.
Abonnement Passion : abonnement nominatif 8 spectacles minimum. Cet abonnement vous donne droit au tarif passion.
Le + de l’abonnement Passion : faites découvrir le Théâtre de l’Usine à un de vos ami, il profite du tarif réduit sur un des spectacles de votre abonnement !

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