La pièce : Maestro
Ils sont cireurs de chaussures, vendeurs de journaux, laveurs de voitures, nettoyeurs de tombes, chiffonniers... Ils se nomment Saturnio, Luzia, Zac. Parfois, ils n'ont plus de prénom : on les appelle Patte-Folle ou Tartamundo (le bègue). Ils vivent en bandes ennemies. Ils se craignent. Ils craignent aussi les « Macocos », ces miliciens violents qui font disparaître en toute impunité les gamins des rues : ces « Gavroches d’Amérique latine ». Comment imaginer que ces enfants abîmés, craintifs, indépendants et violents puissent travailler à une cause commune ?
C'est pourtant le défi que va tenter de relever le vieux chef d'orchestre Romèro Villandes. Lui a un nom, un grand nom même. De retour dans sa ville natale après une longue carrière internationale, le chef songe à s'occuper de ces gosses déscolarisés qui doivent, dès le plus jeune âge, travailler pour survivre. Il rencontrera Saturnio en premier. Il le sauvera des mains d'un « Sargento » qui s’apprêtait à le punir plus que de raison pour une tentative de vol. Invités ensuite à venir le voir dans son « Escuela », Saturnio, sa sœur Luzia et leur ami Patte-Folle découvriront une « musique de vieux » : Bach et Strauss. La marche de Radetsky est un choc pour les trois enfants, « un énorme morceau de gaîté dans lequel on peut mordre comme dans un gâteau ».
Alors, le vieux propose de ne pas se contenter d'écouter cette musique mais de tenter de la jouer eux-mêmes ! Passés les premiers moments d'incrédulité, les enfants se prennent aux jeu, les leçons de musique commencent, le nombre d'élèves augmente et les gamins de bandes ennemies se mettent à jouer ensemble. La Musique les rassemble. Ce récit pourrait presque nous amener à croire, comme Dostoïevski le fait dire au prince Mychkine dans « L'Idiot », que « la beauté sauvera le monde ». Mais la nourriture spirituelle n'est pas tout malheureusement. La saison des pluies fait son entrée dans l'histoire et les touristes, principaux clients de nos enfants, fuient vers le soleil. « La pluie change en pierre le cœur des hommes » disait Victor Hugo dans « Les Misérables » : plus moyen de gagner sa vie, la faim tiraille les entrailles.
L'amour naissant de la musique suffira-t-il à nourrir ces enfants ? La police à la solde du dictateur supportera-t-elle longtemps l’intérêt que porte le vieil homme pour ces traîne-misère ? Et si Romèro était un ami intime du dictateur au pouvoir, les enfants lui garderont-ils leur estime ?
Séances scolaires le 13/01 -14h et le 14/01 à 10h et 14h
L'auteur
Dans la collection Médium, Xavier-Laurent Petit a su imposer une littérature engagée et vivante, qu’elle soit ancrée dans le quotidien douloureux d’un adolescent algérien - « L’oasis » - ou dans la chronique violente et réaliste d’une guerre qui peut rappeler les troubles survenus dans les Balkans - « Fils de guerre ». Violence, totalitarisme, extrémisme traversent son univers littéraire ; à la force de ses contre-utopies, Xavier-Laurent Petit insuffle néanmoins un désir de vie insatiable qu’on retrouve aussi dans le combat contre la maladie – « Miée ». Le monde offre chaque jour de quoi plier et vivre à genoux. Les fables graves et sobres de Xavier Laurent-Petit nous invitent à vivre debout. Qui plus est, elles témoignent que les mots ont une place salutaire face à la dictature des images qui nous éloignent du monde, de ses enjeux, de sa monstruosité qui, même lorsqu’elle sommeille, ne compte que sur une négligence de notre part pour se réveiller.
La note d'intention : le fond
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Notre temps a besoin de belles histoires et c'est une « belle histoire » que nous livre Xavier-Laurent Petit avec son « Maestro ». Qu'est-ce qui peut encore fédérer les hommes à une époque où l'on a l'impression d'avoir tout essayé ? Nous avons perdu foi en nos politiques, les religions créent plus souvent des murs que des ponts, le patriotisme devient nationalisme... Nous avons essayé beaucoup de choses... Si on essayait l'art ?
Depuis plus de vingt ans, naissent partout en Amérique latine, ces orchestres d'enfants, qui deviennent orchestre d'ados, puis d'adultes. Au Venezuela, ils sont 300 000 jeunes à appartenir à l'un de ces orchestres, soit 1 % de la population nationale ! Aujourd'hui, nous pouvons dire que l'art en Amérique latine n'est plus le monopole d'une élite, mais un droit social, un droit pour tous.
Mais pour ceux qui le pratiquent, l'art, ici la musique en l’occurrence, est bien plus qu'un droit. Les orchestres sont des écoles de la vie, parce que chanter et jouer ensemble signifie coexister intimement, en cherchant une interdépendance harmonique d'instruments. Ainsi, les jeunes musiciens forgent un esprit de solidarité et de fraternité entre eux, développant leur propre estime et favorisant les valeurs éthiques et esthétiques véhiculées par la musique.
Mère Teresa insistait sur le fait que le plus misérable et tragique dans la pauvreté n'était pas le manque de pain ou de toit, mais le sentiment de n'être personne, le manque d'identification et la perte de dignité. Or, le développement d'un enfant dans l'orchestre lui donne une identité noble, une valeur individuelle et collective.
Xavier-Laurent Petit nous plonge au cœur de ce processus de redécouverte de soi et de sa valeur grâce à l'art. Mais le chemin n'est pas rose, la vie et sa dure réalité rattrapent les enfants trop vite. La politique peut détruire en une minute ce qui a mis des années à se construire. Tous ne deviennent pas musiciens professionnels, mais pour chacun des personnages de cette histoire, leur rencontre avec l'art est essentielle, révélatrice et constructive.
Dostoïevski espérait que « la beauté changera[it] le monde ». Je crois qu'aujourd'hui nous devons aller plus loin. L'Art peut changer le monde, non seulement en étant accessible à tous, mais également, en
étant pratiqué par tous.
Je voudrais raconter avec « Maestro » ce sentiment fort que j'éprouve depuis de nombreuses années lorsque je réunis des groupes de comédiens amateurs et professionnels autour de texte de théâtre : l'art est l'un des plus formidable fédérateur de tous les temps !
Note d'intention : la forme
Je souhaite réunir cinq acteurs pour raconter cette histoire. Quatre seront les enfants, Saturnio, Luzia, Patte Folle, Zac et Tartamundo. Un acteur jouera le Maestro. Comme des enfants dans une cour de récréation, l'histoire avancera tantôt par le récit, tantôt les dialogues et toujours par le jeu, celui des enfants qui jouent « comme pour de vrai ». Les acteurs viendront tour à tour nous donner leur version d'un épisode de l'histoire : la rencontre de Saturnio et de Romèro, l'arrestation de Saturnio par le milicien, la première leçon de trompette de Patte-Folle...
Les rôles secondaires seront interprétés par chacun des acteurs disponibles, nous obligeant ainsi à dessiner et modeler les corps pour facilité la fluidité du récit.
L'un des acteurs, Charles Pommel, est aussi pianiste et directeur de chœur. C'est sur lui que je m’appuierai pour créer les sons, en direct, avec les comédiens, de chaque instrument et faire passer notre orchestre de la cacophonie à l'harmonie. Pas d'instruments sur le plateau en dehors d'un clavier électrique. Tout partira des acteurs avec leur corps et imagination comme seuls instruments.
Certains éléments d'instruments seront utilisés : un archet, le pavillon d'une trompette, l'anche d'un aubois... Suggérer plutôt que montrer... C'est en transposant par le corps le rapport à l'instrument que je voudrais raconter, pour chaque musicien en herbe, la découverte de la musique.
Bach, Strauss, Fauré, Vivaldi et Chopin viendront ponctuer le récit.
Les acteurs évolueront au milieu d'un cimetière de boites à violons, violoncelles, contrebasses, flûtes, aubois... L'espace sera ovale comme un chemin, bas au plus près des spectateurs, montant à droite et à gauche vers une plate-forme qui pourrait être tantôt l'entrée de l'école de musique, tantôt la cachette de Saturnio et sa bande. Une grande arche tendue de tissu noir surplombera ce petit monde. Derrière ce tissu, apparaîtront comme des étoiles lumineuses, les pancartes « Escuela de Musica », « Supermarché »... Un lampadaire viendra rappeler qu'il s'agit bien de la rue où vivent le plus souvent ces enfants. C'est un espace ouvert et en même temps sans issue, une sorte de rue circulaire, un espace « qui tourne en rond ». Pourtant, de son centre comme du fond pourront jaillir les acteurs... Le récit des acteurs restera le décor principal qui déterminera les lieux de l'action et entraînera les spectateurs au travers de cet univers.
Distribution
- metteur en scène, adaptation : Camille de la Guillonnière
- assistant à la mise en scène : Mathieu Ricard
- Avec
- comédien : Florent Bresson
- comédien : Frédéric Lapinsonnière
- comédien : Adrien Noblet
- comédienne : Alice Raingeard
- comédienne : Jessica Vedel
- création lumière : Emmanuel Drouot
- création costumes : Anne-Claire Ricordeau
photos et graphisme : Stéphane Larroze
Production Théâtre Régional des Pays de la Loire
Coproduction Théâtre Montansier / Versailles
Accueil en résidence : ScénOgraph – SCIN Art et Création / Art en Territoire. Le Théâtre Régional des Pays de la Loire est subventionné par l’Agglomération du Choletais, la Région des Pays de la Loire, les Départements de Maine-et-Loire et de Vendée.
Presse
De la poésie, de la tendresse, de la vie, de l’humour, les acteurs qui campent ces « pilluelos » distillent ces ingrédients avec talent. La gestuelle est millimétrée, le ton est tantôt candide, tantôt oppressant. Les répliques ciselées convoquent l’émotion et embarquent le spectateur dans l’univers miséreux de ces enfants abandonnés aux dictateurs corrompus (...). Ouest France - juillet 21