Durée : 2h05
L’œuvre
Un médecin découvre que les eaux qui alimentent le nouvel établissement thermal sont polluées par les rejets d’une industrie locale. Alors qu’il entend rendre publics les faits, il se heurte à l’opposition de son frère, le maire de la ville, qui, au regard des conséquences financières que cela entraînerait, préfère étouffer l’affaire. Commence le jeu d’une comédie féroce des opinions et des intérêts. Avec un humour énergique et grinçant, la satire y pointe les magouilles, mensonges et autres intimidations, le rôle des médias, les pièges de la démocratie… Quelle place dès lors pour la vérité dans un monde pris entre les dangers de l’utopie et les brutalités du réel ? Sébastien Bournac, entouré d’une équipe d’acteurs fidèles, se confronte pour la première fois à Ibsen et redécouvre avec jubilation une pensée rendue à sa vérité subversive : celle d’un grand poète solitaire et rebelle.
Note d’intention du metteur en scène
Un ennemi du peuple met en scène un conflit familial et politique autour de la découverte des eaux polluées d’un établissement thermal dans une petite ville de province.
Entre impératif économique et hygiène publique, la pièce interroge la possibilité d’une vérité morale et les conditions d’une démocratie véritable, au sein d’une société bourgeoise et capitaliste.
Les enjeux de pouvoir, d’intérêt et d’opinion mènent les figures de la pièce ; la « majorité compacte » (et invisible) y régit en rouleau compresseur les comportements éthiques et les convictions politiques...
Si je reconnais volontiers la pertinence actuelle d’une telle œuvre, il ne s’agit pourtant en aucun cas de la réduire à une analyse politique et sociale du monde, ni à cette trop évidente affirmation que la santé publique constitue une valeur supérieure à celle des intérêts économiques.
Tout le travail aura consisté à ramener le plus possible Ibsen vers l’imaginaire. À appréhender scéniquement le texte dans sa structure archétypale comme un conte fantastique, une œuvre mythologique.
Un ennemi du peuple est avant tout une pièce de colère qui naît d’un sentiment d’injustice.
Le point de départ, c’est donc d’abord le parcours d’un homme, le Docteur Stockmann, double complexe et ambigu de l’auteur. La question n’est pas de savoir si le Docteur Stockmann a raison dans son combat pour la vérité, mais jusqu’où a-t-il raison ? Ce qui m’interpelle au plus haut point dans ce parcours, c’est la revendication narcissique basée sur le besoin de reconnaissance et donc d’être inconditionnellement suivi.
Car c’est cette revendication (très contemporaine !) qui prédomine et prend le pas sur le sujet de la pièce. La dialectique mise en jeu porte moins sur le conflit politico-économico-sociétal « objectif » que sur celui plus trouble, plus insidieux, qui oppose l’acte à l’intention.
À partir de là à quel moment la légitime colère se mue-t-elle en haine aveugle s’alimentant elle-même de façon exponentielle jusqu’à sa propre destruction.
Ibsen annonçait qu’il était en train d’écrire une comédie. La pièce commence comme une fête étrange pour célébrer la prospérité future et le nouveau monde qui commence avec l’ouverture prochaine de l’établissement thermal. S’ensuit un acte d’orgueil pour construire la figure du Docteur en Héros et Sauveur de la ville.
Et puis un acte de vaudeville pour se moquer joyeusement de tout cela et le plaisir de déboulonner la statue qu’on vient d’ériger.
Le vaudeville vire ensuite à la sombre farce procédant de l’humour noir et d’un rire jaune.
Enfin la plus cruelle déchéance, un aveuglement dangereux et grotesque, la folie sombre et cynique du Docteur, tel un Christ sacrifié, libèrent sur la scène une sauvagerie qui nous interpelle brutalement.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
« J’aime à poser des questions : ma fonction n’est pas de répondre », écrit Ibsen.
Vidéo
Distribution
- Adaptation : Jean-Marie Piemme
- Mise en scène, scénographie : Sébastien Bournac
- Avec : Élodie Buisson
- Alexandra Castellon
- Anne Duverneuil
- Régis Goudot
- Louis Beyler
- Régis Lux
- Ismaël Ruggiero
- Lumière, régie générale : Philippe Ferreira
- Décor, régie plateau : Gilles Montaudié
- Création sonore : Sébastien Gisbert
- Mise en espace sonore : Loïc Célestin
- Costumes : Brigitte Tribouilloy
- Assistante costumes : Sabine Taran
- Régie lumière : Jean-François Desboeufs
- Regard dramaturgique : Marie Reverdy
Production Compagnie Tabula Rasa
Coproduction Théâtre Sorano (Toulouse), avec le soutien du Théâtre Scènes des 3 Ponts (Castelnaudary)