Le projet
Le TNT est une maison ouverte à tous, traversée chaque année par plus de 80 000 personnes. De la même manière que des spectateurs viennent de toute la région dans ses murs, le TNT entend aller à la rencontre des publics sur tout le territoire. Pour cela, le TNT conçoit et propose en tournée des formes artistiques légères, comme c’est le cas pour le projet d’Eddy Letexier.
Après avoir sillonné les routes de Midi-Pyrénées avec son solo Renseignements généraux, Eddy Letexier nous propose aujourd'hui une adaptation de ces Racontars arctiques pour le théâtre. Le décor est posé : immensité de la banquise et solitude de la nuit polaire… Un univers insolite où l’on croise des personnages haut en couleur, buveurs d’eau de vie, chasseurs de renard, et surtout grands sentimentaux ! La malice et l'humanité de la langue de Jørn Riel suffisent pour inviter au voyage.
De son long séjour en Arctique, Jørn Riel, écrivain baroudeur et conteur malicieux, a rapporté des anecdotes, des récits, des racontars. En un mot, des histoires d’hommes seuls sur une terre glacée où le soleil, l’hiver, se couche très tôt. Ces chasseurs ont d’étranges faiblesses, des tendresses insoupçonnées, des pudeurs rougissantes et des rêves d’enfants.
Ces nouvelles de l’Arctique ont la rudesse et la beauté du climat qui les suscite. Souvent râpeuses, toujours viriles, parfois brutales, saupoudrées de magie et de mystère, elles nous racontent un monde où la littérature ne se lit pas mais se dit, où l’épopée se confond avec le quotidien, où la parole a encore le pouvoir d’abolir le présent et de faire naître les légendes.
Eddy Letexier
Jørn Riel, un racontar
« Je suis né à Odense au Danemark en 1931 d’une mère issue d’une famille paysanne implantée au Danemark depuis 600 ans et d’un père au sang très mêlé de français. La famille de mon père est en effet originaire de Normandie. Un de mes ancêtres canadiens n’est autre que Louis Riel que tout Canadien français connaît probablement, c’est leur Mandrin à eux. J’ai vécu une enfance gavée d’imagination avec des conteurs d’aventures de chaque côté. Je me suis avidement nourri de récits fabuleux jusqu’à l’âge de 15 ans, juste après la guerre où je suis parti pour Paris, objectif prioritaire de mes pérégrinations à l’étranger. J’y étais logé par un résistant franco-danois manchot, Monsieur Émile, dans un bordel de la rue Vivienne. Je soupais dans une cave où le couvert était enchaîné à la table pour que personne ne l’embarque.
J’ai quitté une trajectoire académique, j’aurai dû être vétérinaire selon mon père parce que je voulais partir en expédition en Arctique. Après avoir étudié la navigation, la télégraphie et l’esquimologie, j’ai réussi à embarquer avec l’expédition du docteur Lauge Koch en 1951, après mes examens.
Pendant trois ans, j’ai vécu avec des Inuits, dans le centre du nord-est du Groenland et je suis resté en Arctique pendant 16 ans, en partie en expédition, en partie pour d’autres tâches. Entre autre, il m’est arrivé de rester seul pendant presque un an avec cinq chiens au sommet d’une montagne, le Kakatokak près de l’inlandsis sur la côte ouest du Groenland. Je m’occupais d’une station de sismographie, prenais des mesures de champs magnétiques, etc… J’ai quitté l’Arctique pour des missions aux Nations Unies, séjournant ainsi dans de nombreux endroits au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie. Puis j’ai navigué pour le plaisir dans les Indes occidentales, en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est et j’ai traversé Sumatra de Belawan à Palembang à pied, ce qui m’a pris 11 mois.
J’ai commencé à publier des livres il y a 25 ans et vis comme auteur à plein temps depuis 1969, mis à part quelques brèves missions pour les Nations Unies en Asie. Ces dernières années, j’ai beaucoup voyagé en Nouvelle Guinée, dans l’Irian Barat qui est resté à l’âge de pierre et se révèle fascinant des points de vue ethnographique et ethnologique.
J’aime les gens, plus que leurs constructions, et je voyage pour rencontrer des êtres vivants et non pas des temples, des pagodes et autres monuments créés par les humains. J’aime la nature quand il y en a assez, les étendues de glace de l’Arctique et la jungle tropicale. Comme j’ai passé plus de 20 ans en Arctique, au Groenland, dans le grand nord canadien et en Alaska, j’habite depuis 10 ans sous les tropiques, en Indonésie, en Thaïlande et maintenant en Malaisie pour sérieusement me décongeler et trouver une sorte d’équilibre dans mon existence.
Après encore quelques années de ce sauna, nous irons probablement en Europe où la France est le seul endroit où nous ayons envie d’aller, si les Français veulent de nous. Je suis marié avec Annette, une suédoise, formée au Conservatoire avec la chanson pour principal talent. J’ai un certain nombre d’enfants éparpillés dans le monde, entre autre une fille à Angmassalik au Groenland et un fils pilote en Malaisie, deux filles au Danemark et une en Suède.
Ma vie est un racontar. Un racontar c’est une histoire vraie qui pourrait passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l’inverse. Qui sait ? Certainement pas moi. »
Jørn Riel – 1994
Extraits
Il fit pivoter ses jambes par-dessus le rebord de sa couette et enchaîna :
— C’était une espèce d’asperge à moitié dingue qu’on appelait le cuisinier chinois. Mais, tu peux me croire, c’était vraiment un chic type. Même qu’il jouait de la mandoline. Tous les joueurs de
mandoline sont des gars épatants, je trouve. Ceux qui jouent du banjo ou de l’harmonica, c’est des types comme moi ou William le Noir. Mais ce cuistot chinois était un petit gars vraiment épatant. Il pouvait rester assis derrière la remise à gratouiller jusqu’à ce qu’on soit mûr pour chialer à la mort. (…) Hé, hé oui. Un putain de chasseur que c’était devenu, le cuisinier chinois, tu peux me croire. T’aurais dû hiverner avec lui, p’tit Anton. Cré bon Dieu, c’est pour le coup que vous auriez pu faire des relais après vent et soleil, tous les deux. Tu comprends, même s’il grattait la mandoline et racontait des tas de trucs auxquels on ne pigeait rien, c’était quand même bon de l’avoir dans la cabane. C’est peut-être jamais devenu un vrai chasseur, mais pour la cuisine, là, chapeau ! Et ça, c’est presque aussi important que de savoir chasser.
Le Vent du sud-est
Le Teaser
Distribution
- Conception et jeu : Eddy Letexier
- Collaboration lumière : Paul Boggio
- Collaboration costumes : Nathalie Trouvé
A partir de 10 ans.
Production ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie
La Vierge froide et autres racontars est édité chez Gaïa Editions
(c) Polo Grat
Presse
À dix-neuf ans, en 1949, un impétueux jeune homme quitte son Danemark natal « trop rigide » et part courir l’aventure au Groenland. Jørn Riel y restera seize ans, à mesurer les glaciers et à se mesurer à lui- même, à défier l’immensité, la solitude, la peur, le froid. Pour adoucir les nuits polaires et les jours sans soleil, il s’amuse à écrire des contes. À coups d’anecdotes pétillantes, il met en scène ses compagnons, des hommes bourrus, trappeurs au grand cœur, chasseurs de phoques, buveurs de tord-boyaux, fiers solitaires et pourtant indécrottables sentimentaux en quête de l’âme sœur... Drôles et gouleyants, les racontars de Jørn Riel mettent le feu à la banquise.
Martine Laval – Télérama
Ces racontars sont « des histoires vraies qui pourraient passer pour un mensonge. À moins que ce ne soit l'inverse », a dit Jørn Riel. On lui sait gré de ne pas avoir cherché à démêler le vrai du faux, car l'incertitude planant sur la réalité vécue de ces courts récits venus du froid ajoute au plaisir qu'ils distillent. Dans les années 1950, le célèbre romancier danois a fait de longs séjours au Groenland. Il y a beaucoup écouté les trappeurs solitaires, vivant de la vente de peaux d'ours ou de phoques, plongés dans une nuit sans fin pendant la moitié de l'année, et se rendant visite les uns les autres de loin en loin pour retrouver la parole ou faire la fête. Et se raconter d'excentriques rencontres, mais aussi leurs rêves enfouis sous de rustiques manies, dévoilant ce qu'on ne pouvait soupçonner : que le caractère abrasif des gaillards les plus endurcis peut déboucher sur une forme élémentaire de poésie du quotidien.
Un texte oscillant entre reportage ethnographique de première main et conte truculent, burlesque, abrupt, aux résonances de légende crépitante.
Jean-Claude Loiseau – Télérama