CendrillonJoël Pommerat • Cie Louis Brouillard

À la mort de sa mère, une très jeune fille se fait la promesse de ne jamais cesser de penser à elle plus de cinq minutes… Elle suit son père dans une maison de verre où les attend une nouvelle famille. 

Je me suis intéressé particulièrement à cette histoire quand je me suis rendu compte que tout partait du deuil, de la mort (la mort de la mère de Cendrillon). À partir de ce moment, j’ai compris des choses qui m’échappaient complètement auparavant. J’avais en mémoire des traces de Cendrillon version Perrault ou du film de Walt Disney : une Cendrillon beaucoup plus moderne, beaucoup moins violente, et assez morale d’un point de vue chrétien. C’est la question de la mort qui m’a donné envie de raconter cette histoire, non pas pour effaroucher les enfants, mais parce que je trouvais que cet angle de vue éclairait les choses d’une nouvelle lumière.

Joël Pommerat,
propos recueillis par C. Longchamp

Joël Pommerat, Grand Prix SACD 2023 pour l’ensemble de son œuvre.
Lauréat des Molières 2018 : Molière du metteur en scène de spectacle de théâtre privé pour Joël Pommerat, Molière de la création visuelle pour Eric Soyer, Isabelle Deffin et Renaud Rubiano.

Entretien avec Joël Pommerat

Cendrillon, tout comme Pinocchio et Le Petit Chaperon rouge il y a quelques années, sont des créations théâtrales destinées autant aux enfants qu’aux adultes. Comme auteur, cela vous demande-t-il un travail d’écriture particulier, différent de celui que vous déployez dans vos autres pièces ?

Non. J’essaie même de radicaliser certains de mes partis pris. En tous cas de répondre aux mêmes principes d’écriture que pour mes autres spectacles. Par exemple, je cherche à suggérer autant qu’à préciser mon propos et mes intentions. J’essaie de trouver un équilibre entre des lignes clairement identifiables et des zones de suggestion, des choses moins exprimées. Ce jeu entre dit et non-dit, j’essaie de le développer tout autant dans mon travail pour les enfants que dans mes autres créations.

Qu’est-ce qui vous attire dans l’univers des contes ? En avez-vous été, enfant, un grand lecteur ? Quel souvenir en gardez-vous ?

J’en lisais beaucoup. Des histoires qui conjuguent récits de vérité et imaginaire, fantastique. Il existait notamment une collection de plus d’une dizaine de volumes qui s’appelait Contes et légendes populaires de…. – elle couvrait toutes les régions françaises, mais aussi les pays et les cultures du monde entier. Je les ai empruntés quasiment tous à la bibliothèque de mon collège. S’il m’arrive d’écrire à partir de contes aujourd’hui, c’est parce que je suis certain que ces histoires vont toucher les enfants bien sûr, mais qu’elles vont me toucher également moi en tant qu’adulte. Ces histoires, ce qu’on appelle aujourd’hui des contes, ne sont pas destinés à l’origine aux enfants, Le Petit Chaperon rouge et Cendrillon (Pinocchio est à part, ce n’est pas un conte traditionnel) sont des histoires qui à l’origine ne s’adressent pas aux enfants, et ne sont pas du tout « enfantines », si on ne les traite pas de façon simplifiée ou édulcorée. Les rapports entre les personnages peuvent être violents et produisent dans l’imaginaire des émotions qui ne sont pas du tout légères. Ce sont des émotions qui ne concernent pas seulement les enfants.

Ne peut-on pas considérer d’une certaine manière tous vos spectacles comme des contes où, très souvent, la famille, les relations complexes, difficiles, régulièrement malheureuses entre parents et enfants, entre frères et sœurs sont essentielles ? Pour quelles raisons les relations au sein d’une famille vous intéressent-elles à ce point ?

Tout d’abord, il faudrait s’entendre sur ce qu’on appelle un conte. Je ne le sais pas vraiment moi-même. Peut-être entend-on une histoire ou plutôt un récit, qui se donne comme authentique, réel et qui évidemment ne l’est pas, et qui se développe avec des termes relativement simples et épurés, des actions qui ne sont pas expliquées psychologiquement. Des faits sont relatés mais ne sont pas expliqués ou justifiés. D’une certaine façon, les contes relèvent d’un parti pris d’écriture que j’ai adopté depuis longtemps, qui consiste à chercher à décrire des faits fictionnels comme s’ils étaient réels. En cherchant une forme de description la plus simple et la plus directe possible. Comme le conte décrit des relations humaines fondamentales, il ne peut pas échapper à la famille. C’est le premier système social. Comme auteur, avant de m’ouvrir et de m’interroger sur la société entière, j’ai eu besoin d’observer cette petite structure sociale qu’est la famille. Dans les contes, si la famille est si présente, c’est bien parce que tout part de là, que toute destinée humaine y prend sa source. C’est donc important d’y être présent, d’y aller voir, lorsqu’on veut comprendre ou bien raconter l’humanité, d’un point de vue politique par exemple.

Vous avez eu l’occasion de dire que vous cherchiez le réel, que le théâtre est pour vous le moyen de dire quelque chose d’actuel et brûlant sur la condition humaine et sur le monde, que vos fictions cherchent à révéler de la présence, du mystère et du concret. Vous avez employé la belle expression de « réalité fantôme » pour définir l’atmosphère si particulière que vous cherchez à créer dans vos spectacles. Est-ce que vous « voyez » vos spectacles lorsque vous écrivez vos textes ?

J’ai des premières sensations ou images qui se confrontent ensuite à la réalité et sont donc amenées à se modifier. C’est au cours de la phase de travail concrète (entre 3 et 4 mois en moyenne) avec les comédiens et tous ceux qui collaborent avec moi, principalement Éric Soyer à la lumière et à la scénographie, Isabelle Deffin aux costumes, François et Grégoire Leymarie au son, que je découvre que certaines choses sont difficilement réalisables ou trop complexes. Je fais alors des compromis par rapport à ces images initiales qui, pour certaines, se désagrègent d’elles-mêmes. Mais les images fondatrices d’un projet doivent demeurer lors de toutes les phases de sa réalisation. Il y a évidemment un long work in progress qui mène de la rêverie initiale au spectacle, au cours duquel, en fonction de différentes circonstances, le projet évolue, mais il doit y avoir une fidélité extrême à quelque chose qui s’est imposé au tout premier moment du projet, lorsqu’il est né dans mon esprit, encore flou ou abstrait. J’ai appris à respecter ces moments fondateurs en ne les perdant jamais de vue, quoi qu’il arrive.

Propos recueillis par Christian Longchamp pour le Théâtre de la Monnaie à Bruxelles (2011) [Extrait]

Distribution
  • Conception théâtrale : Joël Pommerat
  • Avec : Alfredo Cañavate, Noémie Carcaud, Caroline Donnelly, Catherine Mestoussis, Léa Millet, Damien Ricau, Marcella Carrara, Julien Desmet
  • Scénographie et lumières : Éric Soyer
  • Son : François Leymarie
  • Musique : Antonin Leymarie
  • Costumes : Isabelle Deffin
  • Vidéo : Renaud Rubiano
  • Collaboration artistique : Philippe Carbonneaux
  • Assistanat à la mise en scène : Pierre-Yves Le Borgne
  • Assistanat à la mise en scène en tournée : Ruth Olaizola
  • Assistanat lumières : Gwendal Malard

Décor et costumes Ateliers du Théâtre National

Presse

Voir et revoir. Avec un plaisir aussi fulgurant. Comme si l’on redécouvrait encore, depuis 2011, depuis 2017, cette Cendrillon réinventée par Joël Pommerat à partir des versions moralisto-sadiques qu’en donnèrent Charles Perrault (1697) et les frères Grimm (1812)… Cette dernière reprise, totalement identique et tellement autre, familière et pleine de ces surprises qu’on avait oubliées, frappera toujours petits et grands, botte toujours les âmes et les cœurs. Elle continue d’enchanter par sa cruauté et sa tendresse, sa noirceur et sa lumière. 

Télérama

 

Production Compagnie Louis Brouillard
Coproductions Théâtre de la Porte Saint-Martin • La Comète, SN Châlons-en-Champagne • La Coursive, SN La Rochelle • Le Méta, CDN Poitiers Nouvelle-Aquitaine / En collaboration avec le Théâtre National Wallonie-Bruxelles

© Cici Olsson

Représentations

ThéâtredelaCité, CDN Toulouse Occitanie
  • samedi 23 mars 2024 18h30
Informations

Départ en bus de Saint-Céré 15h
Durée 1h40 / Déconseillé au moins de 10 ans

Tarifs

Tarif A Placé
Plein 25 €
Découverte / Réduit 22 €
Passion / Réduit + 19 €
Jeune 10 €

Tarif découverte / réduit : abonnés découverte, groupe à partir de 10 personnes, comités d'entreprises.
Tarif passion / réduit + : abonnés passion, demandeurs d'emploi, intermittents du spectacle, personnes en situation de handicap.
Tarif Jeunes : moins de 18 ans et étudiants de moins de 25 ans.

Abonnement Découverte : abonnement nominatif 4 spectacles minimum. Cet abonnement vous donne droit au tarif découverte.
Abonnement Passion : abonnement nominatif 8 spectacles minimum. Cet abonnement vous donne droit au tarif passion.
Le + de l’abonnement Passion : faites découvrir le Théâtre de l’Usine à un de vos ami, il profite du tarif réduit sur un des spectacles de votre abonnement !

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