Avec Pantagruel, Olivier Martin-Salvan nous fait partager les aventures autant comiques que philosophiques et spirituelles du géant Pantagruel, de son fidèle Panurge et de tout le cortège de créatures bouffonnes ou fantastiques qu’ils croisent sur leur route théâtrale et musicale. Il met son art de portraitiste au service d’une des langues les plus inventives de notre histoire littéraire, celle de François Rabelais.
La langue de François Rabelais, à la fois savante et charnelle, appelle le théâtre : les archaïsmes de vocabulaire et de construction se clarifient lors de la lecture à voix haute et deviennent même des appuis de jeu quand ils sont mis au service de la construction des personnages et des situations. C’est pourquoi le spectacle se fera dans la langue originale de Rabelais. La langue de Rabelais appelle la musique : lire Rabelais à voix haute, c’est d’abord un réveil de sons inouïs que l’on provoque, comme Pantagruel le fait avec les paroles gelées qu’il réchauffe dans ses mains. La musique explorera un vaste territoire, du bruit à la note, du vacarme à l’harmonie céleste. À l’instar de la force à la fois archaïque et contemporaine de Rabelais, la musique s’articulera autour d’un dialogue entre la musique ancienne et les musiques actuelles.
Benjamin Lazar
INTRODUCTION
Dans Ô Carmen, co-écrit avec Nicolas Vial et Anne Reulet-Simon, Olivier Martin-Salvan peignait à lui seul les répétitions du célèbre opéra de Bizet, interprétant tous les personnages, du professeur de chant à la Diva, en passant par le costumier, la maquilleuse, le metteur en scène et, bien sûr, Don José et la Carmencita elle-même...
Le succès a été au rendez-vous de cet "opéra clownesque", représenté plus de 150 fois en France et à l'étranger, capté au Théâtre du Rond-Point et diffusé sur TV5 Monde le soir du réveillon de Noël 2010.
Olivier Martin-Salvan est également l'interprète de l'auteur Valère Novarina, qui a mis à contribution ses talents d'acteur et de chanteur dans toutes ses créations depuis 2007.
Porté par cette double expérience, il souhaite aujourd'hui, avec Pantagruel, mettre son art de portraitiste au service d'une des langues les plus inventives de notre histoire littéraire, celle de François Rabelais.
Il a fait pour cela appel à Benjamin Lazar, metteur en scène avec qui il avait commencé sa carrière professionnelle en interprétant Monsieur Jourdain, de 2004 à 2011, dans un Bourgeois Gentilhomme baroque, redonnant sa place aux intermèdes chantés et dansés de Lully dans la pièce de Molière.
NOTES D’INTENTION L’OCÉAN ET LA SOURCE
Puisant son inspiration dans des sources populaires, François Rabelais a créé une galerie de personnages qui nous hantent encore (Gargantua, Pantagruel, Panurge...), en même temps qu’il a totalement bouleversé la langue française, source et océan à la fois, inspirant tous les écrivains qui l’ont suivi, de Molière à Valère Novarina, en passant par Victor Hugo. Ou bien suscitant des réactions de rejet devant tant de liberté à faire emprunter de si courts chemins entre le bas et le haut, des besoins du corps aux productions de l’esprit, jusqu’à ne plus savoir où est quoi.
Lire Pantagruel aujourd’hui, c’est donc effectuer un retour aux sources de notre langage et de notre imaginaire, où l’on sentirait en même temps le souffle moderne, expérimental, de l’esprit humaniste qui l’a conçu. La langue de François Rabelais, à la fois savante et charnelle, appelle le théâtre : les archaïsmes de vocabulaire et de construction se clarifient lors de la lecture à voix haute et deviennent même des appuis de jeu quand ils sont mis au service de la construction des personnages et des situations. Elle ne nous met pas à distance, mais crée l’événement, révèle et déploie la singularité d’une pensée et d’une époque. S’il reste parfois un peu de flou, c’est, comme dans une photographie, pour mieux faire ressortir la figure.
C’est aussi une langue qui appelle la musique : lire Rabelais à voix haute, c’est d’abord un réveil de sons inouïs que l’on provoque, comme Pantagruel le fait avec les paroles gelées qu’il réchauffe dans ses mains. Le compositeur David Colosio a créé une musique contemporaine pour des instruments qui nous viennent directement du XVIe siècle et qui servent, d’habitude, à interpréter le répertoire de cette époque : le cornet à bouquin, la flûte, la guitare et le luth. Les deux instrumentistes sont aussi les compagnons d’Alcofrybas, le nom anagrammatique du sien inventé par François Rabelais : c’est le narrateur qui a suivi les aventures du géant, et qui est pris, dès qu’il rencontre quelqu’un, du désir insatiable, curieux et furieux, de les partager...
Benjamin Lazar
UNE OUVERTURE TOTALE AU MONDE
« Porter l’œuvre de Rabelais à l’épreuve de la scène me tient à cœur depuis longtemps. Après O Carmen, le désir de m’atteler à un grand texte s’est tout naturellement tourné vers l’œuvre de Rabelais.
La dimension comique du texte m’a bien sûr fortement marqué, et je suis du même avis que Rabelais lui-même : “le rire est thérapeutique”... Mais surtout, à travers ce texte hors du commun, s’opère comme un retour aux origines, un voyage vers les tréfonds de notre langue.
Je retrouve à travers la langue de Rabelais des paysages anciens, une nature partout présente, une époque sans industrie ni moteur, une France faite de villages, avec des bruits de bois ou de vent, quelque chose de rural dont je suis proche. Remonte à mon esprit le souvenir de mes grands-parents parlant morvandiau du côté de mon père, ou occitan dans ma famille aveyronnaise.
Il y a chez Rabelais une façon instinctive de décrire le monde, quelque chose de très brut, très direct, qui me plaît.
J’ai la sensation de me perdre dans le langage comme dans une forêt. Tous les sens sont en éveil. Le corps parle. Je ressens une grande fierté de pouvoir être interprète de ce texte. C’est nécessaire de faire entendre cette langue française si riche, c’est presque faire de l’éducation civique ! C’est une langue qui vient à peine de quitter le latin et le grec...
C’est important de transmettre l’œuvre de ce génie en fin de compte méconnu, qui a inspiré les plus grands, c’est notre grand-père à tous, il était précurseur d’une grande liberté d’esprit et d’une ouverture totale au monde.
J’ai été très heureux de retrouver Benjamin Lazar sur ce projet. Car, depuis notre collaboration sur le Bourgeois Gentilhomme et notre complicité dans l’inventivité sur le plateau, il y a quelque chose de complémentaire dans notre manière d’appréhender ce matériau qu’est l’œuvre de Rabelais : Benjamin sensible au versant humaniste, savant et raffiné de l’œuvre, spécialiste des textes anciens, et de mon côté, plutôt dans la farce, œuvrant sur la dimension comique, dans quelque chose de très instinctif, presque athlétique dans la mise en jeu du corps et de la voix. »
Olivier Martin-Salvan
Distribution
- Mise en Scène, conception artistique et adaptation : Benjamin Lazar
- Comédien, conception artistique et adaptation : Olivier Martin-Salvan
- Collaboration à la mise en scène : Amélie Enon
- Musicien (cornets et flûtes) : Benjamin Bedouin
- Musicien (Luth et guitare) : Miguel Henry
Composition et direction musicale : David Colosio, Recherche dramaturgique : Mathilde Hennegrave, Lumières : Pierre Peyronnet, Scénographie : Adeline Caron assistée de Sylvie Bouguennec Costumes : Adeline Caron et Julia Brochier assistées de Margaux Sardin, Régie générale et lumières : Fabrice Guilbert, Régie son : François-Xavier Robert
Production Tsen productions Coproduction : Théâtre de Cornouaille - Scène nationale de Quimper, CDDB Théâtre de Lorient - Centre dramati- que national, Incroyable compagnie, TNP de Villeurbanne, Théâtre des 13 vents, le Quartz - Scène nationale de Brest, Théâtre du Château d’Eu.
Presse
Benjamin Lazar et Olivier Martin-Salvan nous convient à un magistral périple jouissif et virtuose, qui offre à la langue de Rabelais toute sa saveur et toute son audace. A consommer d’urgence !
La Terrasse - Agnès Santi - 18 novembre 2013 - N° 214