
De 1930 à 1970, Henriette a été enfermée dans l’asile d’aliénés de Montperrin à Aix-en-Provence, sur demande de son mari. C’est mon arrière-grand-mère.
Cyrille se raconte, Henriette s’incarne. Au-delà de la mort et de l’oubli, la parole et les images surgissent. Troublée et troublantes. Quarante-six ans d’internement en asile se déroulent dans un théâtre de poupées et de chiffons éclairé en demi-teinte par des lampes de poche. Dans une langue à vif, une langue inventée – langue d’enfant et de poète –, la vie d’Henriette surgit. Son quotidien terrible et sa force immense, d’avoir été debout et vivante dans sa prison, le monde qu’elle a façonné pour ne pas chuter – fait d’imaginaire et de dérision.
Parler de la folie et de la façon dont nos sociétés la traitent et la cachent, c'est recueillir les soupirs et les silences bâillonnés par la bienséance pour tenter de les faire mots et paroles et sens. C'est nommer pour rétablir une vérité et ainsi réparer les vivants. Une libération.
Texte lauréat des EAT 2024 et remarqué aux Journées de Lyon des artistes autrices et auteurs de Théâtre (2024).
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Note d'intention
"Henriette Ouzilou, juive sépharade résidente à Alger, mère de cinq enfants, est internée en 1930 à l’âge de 32 ans à l’asile d’aliénés de Montperrin au 3BISF (section des femmes), à Aix-en Provence pour des troubles psychiques définis ainsi : attitudes stéréotypées, négativisme, mutisme, oppositionisme, crises d’impulsions motrices visant à compromettre l’ordre public, stupeur. Elle y restera toute sa vie et mourra 46 ans plus tard. Elle est aujourd’hui enterrée dans le carré israélite du cimetière d’Aix-en-Provence dans une fosse commune. C’est mon arrière-grand-mère.
En rêve dans une nuit de brumes et de douleurs, Henriette est venue. Il est dit qu’une histoire étouffée et niée dans une lignée familiale ressurgit toujours à un endroit ou un autre.
Au cours du printemps 2021, ma tante, petite fille d’Henriette, Paule Atlan, suite à mon insistance, demande à accéder au dossier d’Henriette auprès de l’hôpital psychiatrique de Montperrin. On lui répond que tous les dossiers ont été détruits dans l’hiver 2020, mais l’archiviste propose tout de même d’y jeter un œil. Et quel œil ! Le dossier d’Henriette Ouzilou est là, sous la poussière. L’un des seuls qui ait résisté à l’assaut. Henriette, par miracle est à nouveau avec nous. Elle prend toute sa force aujourd’hui et ce dossier jauni par le temps devient notre lien.
Paule Atlan est psychologue et m’aide à décortiquer les dossiers médicaux. Depuis ce fameux printemps, elle mène minutieusement des recherches sur les conditions d’internement et la vie quotidienne en asile d’aliénés de 1930 à 1980. Plus nous avançons dans notre enquête et plus il nous semble incroyable que notre aïeule ait survécu si longtemps, détenue dans l’enfer psychiatrique de l’époque. Le manque d’hygiène, la surpopulation, la famine, la négation totale d’identité, la maltraitance étaient son quotidien et pourtant dans la tourmente, cette femme est restée debout et vivante certainement avec le désir puissant de revoir un jour ses enfants et ses frères. Sa force et son entêtement étaient-ils liés à sa folie ?
Henriette est devenue notre héroïne, sa force est devenue la nôtre".
Cyrille Atlan
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Distribution
- Mise en scène et jeu : Cyrille Atlan
- Aide à la dramaturgie : Isabelle Ployet
- Scénographie : Aymeric Reumaux
- Clarinette, guitare électrique : Pascal Demonsant
- Marionnettes et régie plateau : Gaëlle Pasqualetto
- Jules Husson-Atlan : Son
Presse
Bouleversant et édifiant.
La Terrasse
Une pièce d'une rare intensité.
Midi Libre
Une proposition à la fois limpide et époustouflante de rigueur, d'invention et de clairvoyance.
Journal Festival d'Avignon
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Production Les Atlantes
Coproduction MIMA - Marionnette actuelle - Mirepoix, Le Périscope - SC Nîmes, Le Sillon - SCIN Clermont-l'Hérault et le Clermontais
Soutiens Drac Occitanie, Bourse Écrire pour la rue DGCA-SACD, CNES La Chartreuse
© Kevin Nogues © S. Denis © Nathalie Ance