L'OccupationD'après Annie Ernaux • Anne Consigny

C’est le portrait d’une femme après la rupture de sa vie amoureuse. C’est elle qui quitte l’homme, mais celui-ci s’éprend très vite d’une autre… Qui est cette rivale ? Quelles différences a-t-elle avec moi ? Et donc quelles ressemblances ? L’Occupation entraîne les spectateur·rices dans le vertige fiévreux de l’obsession jalouse, et dans l’intimité de cette quadragénaire à fleur de peau, l’esprit possédé - occupé. Un double portrait de femme se dessine alors devant nous : la première, esseulée, et l’autre, le double imaginé, projeté dans mille détails jusqu’à l’irrationnel.
Interprétée à l'origine par Romane Bohringer, la pièce incarne avec humour, tendresse et fantaisie le roman d’Annie Ernaux, et rend hommage à l’écriture épurée de cette grande autrice, prix Nobel de littérature. Elle est ici et maintenant jouée avec brio et grâce par Anne Consigny, tout en finesse et merveilleuse de justesse, accompagnée du musicien Christophe « Disco » Minck qui envoûte un peu plus le récit en proposant une autre voix, une ambiance pour cette grande réussite de mise en scène. Un thriller amoureux intense et touchant !

Note d'intention

« La jalousie ! C’est le monstre aux yeux verts qui produit l’aliment dont il se nourrit. » Macbeth. Shakespeare. Eblouissant portrait d’une femme de quarante ans à travers un moment essentiel de sa vie amoureuse, ce texte est particulier dans l’œuvre d’Annie Ernaux. Ce court roman de 2002 au rythme rapide nous fait entrer en empathie avec un personnage étonnamment vivant, et j’ai eu immédiatement envie de le porter sur scène [...]

Obsédée par la personnalité de l’autre, accumulant des détails imaginaires qui alimentent sa fièvre, la femme nous livre peu à peu par touches l’impressionniste portrait d’une autre, qui à certains égards lui ressemble comme un double effrayant. Son récit est à la lisière du fantastique quand elle s’échappe du réel, comme maraboutée, à la recherche de sa « rivale » aux mille visages. Au delà de ce qui semble être une parfaite peinture de la jalousie, Annie Ernaux nous livre le portrait intime d’une femme contemporaine. J’avais choisi Romane Bohringer pour créer ce personnage qu’elle a incarné avec le talent qu’on lui connaît dans un spectacle sans cesse en évolution. Christophe Minck, son partenaire sur scène, ne se contente pas de l’accompagner en musique, il affine et réinvente au fil du temps la relation au texte, ce qui donne une dimension « live » supplémentaire à la représentation. Ce cycle évolutif et créatif n’est pas terminé. Suite au succès du spectacle, notamment au dernier festival d’Avignon au Théâtre des Halles, et devant les nombreuses demandes, nous allons en donner une autre version avec Anne Consigny, que je connais depuis longtemps, et pour qui j’ai une grande admiration. Ce sera toujours « L’occupation » d’Annie Ernaux, mais avec elle et Christophe Disco Minck - sur les mêmes bases de harpe, synthétiseur modulaire et piano arrangé - nous proposons une nouvelle vision de cette œuvre en mouvement qui me tient particulièrement à cœur.

Pierre Pradinas, Mai 2018