Le SoloLucie Yerlès et Gaspar Schelck

Pourquoi le public ressent-il du plaisir à voir un·e artiste prendre autant de risques ? Juchée dans les airs, Lucie Yerlès débute la démonstration de sa conférence circassienne, illustrée par sa pratique du tissu aérien. Enchaînant les figures et chorégraphies aériennes, l’artiste interroge l’expérience du cirque en décryptant ce qui se joue dans notre cerveau lorsque nous sommes confrontés à un spectacle de haute voltige. Cortex préfrontal, amygdale, hippocampe, thalamus… semblent alors prendre forme sur scène sous ses mots et mouvements, à mesure que la respiration de l’artiste transforme la nôtre.

Une expérience collective étourdissante et vertigineuse, énergique et brillante, qui lève un voile sur la magie du spectacle vivant, sans jamais la dissiper.

Note d'intention

La transmission de connaissances théoriques via l’outil du tissu aérien a été le point de départ de ce projet. Nous ouvrons le grand capot des spectacles de cirque pour en analyser les rouages.

Mon désir est de transmettre de manière ludique et circassienne des connaissances neuroscientifiques et psychologiques dont la portée met en perspective notre rapport au monde. Interroger l’expérience même du cirque et ce qui fait son essence lors d’une conférence circassienne énergique et stimulante.

Inspirations

Mes outils s’inscrivent à l’intersection de mes champs de formation :

-La recherche multidisciplinaire en psychologie, et notamment la compréhension du fonctionnement de notre cerveau face à des émotions fortes ; nous travaillons aussi à partir de la théorie du partage social des émotions qui théorise notre besoin immense et éternel de contacts sociaux et d'expression collective de nos émotions.
- La pratique du cirque et du tissu aérien entre le Québec, et son besoin financièrement vital de contenter le public, et la France, qui admire ses artistes innovants, prône la qualité artistique, au détriment parfois de son accessibilité.

Les liens qui se sont créés lors de ce parcours atypique m'ont mené à créer Le Solo, qui est tout sauf un solo, puisque je suis accompagnée de Gaspar et d'une équipe éclectique aux regards et expériences complémentaires.

Sortir de sa zone de routine

Toutes ces expériences m’ont conduite à un point central, la nécessité de comprendre comment explorer en-dehors de notre “zone de routine” psychique. Celle-là même qui nous amène à voir toujours les mêmes spectacles, cliquer sur “épisode suivant”, rester dans les mêmes cercles sociaux, dans les mêmes certitudes, les mêmes chemins, les mêmes caresses…

Dans Le Solo, nous explicitons le lien entre cette zone de confort conceptuelle et l’existence de mécanismes cérébraux tangibles. Un exemple comme celui du Cirque du Soleil, qui place des électrodes sur les crânes de son public, nous montre à quel point l’industrie du divertissement (entre autre) a bien compris l’intérêt de connaître les mécanismes de fonctionnement de nos émotions. Ces mécanismes se doivent d’être connus et compris non plus seulement par celleux qui en font usage, mais aussi par tout un chacun qui y est confronté.

Une forme hybride
Au-delà du fond abordé, la forme en elle-même, à la croisée du cirque contemporain, du théâtre, de la conférence Ted X, du stand-up … interroge déjà en soi notre conception du spectacle. C’est très précisément ce qui m’anime aujourd’hui, les concepts qui se relient, les petites fenêtres qui s’ouvrent, les ampoules qui s’allument subitement et les ponts qui se construisent dans nos cerveaux. Créer une manière novatrice d’interroger le monde dans lequel nous vivons en sortant des sentiers battus et des formes conventionnelles du spectacle.

Une forme ludique
Je suis également convaincue que l’on apprend dans le plaisir. Et quelle est la forme artistique qui mêle à la fois contacts humains, divertissement, prise de risque et apprentissage si ce n’est l’art du cirque ? Le plaisir d’apprendre est universel. Qui n’aime pas comprendre les schémas et mécanismes avec lesquels nous fonctionnons tous les jours?
Le monde autour de nous ne tourne pas rond, et se comprendre soi-même, c’est faire des liens avec tous les choix que nous faisons au quotidien, tous ces choix qui, à plus large échelle, impactent le monde vivant.

Entre questionnements et illustrations, théorie et performance aérienne, je souhaite mêler ces postulats pour arriver à un spectacle expliquant “la magie”, sans la dissiper, et à nous interroger sur les schémas normés dans lesquels nous baignons, pour tenter de s’en éloigner en toute conscience.